Martin et son Gamin

Le temps commençait à fraîchir en ce début d’automne mais ce n’est pas ça qui aurait pu faire le changer d’avis.

 

Au contraire…

 

Au printemps, Martin a des allergies à cause du pollen. En été, Martin a toujours trop soif ou trop chaud. En hiver, Martin déteste déraper sur les trottoirs verglacés. Non, vraiment, à n’en point douter l’automne était vraiment la plus belle des saisons pour Martin : pluie, soleil, vent, températures yoyo, on en a pour son argent et comme dit Martin : « En automne, ce n’est jamais monotone ! »

 

Ce week-end-là, Martin avait donc décidé qu’il le passerait en forêt, seul, avec son Gamin et c’est exactement ce qu’il a fait.

-« Prendre un bon bol d’air au lieu de m’abrutir devant la télé, ça ne peut qu’être positif ! », s’était dit Martin le malin.

 

C’est ainsi qu’un frileux matin d’octobre, il débarqua au cœur des bois et s’installa dans le charmant chalet de bois qu’il avait loué, loin de toute civilisation. On se serait cru au Canada, dis donc !

 

-« Au moins, je ne serais pas dérangé par les voisins. C’est vraiment d’un calme absolu, ici. Mais c’est tant mieux, n’est-ce pas Gamin ? » demanda t-il.

 

Le Gamin ne répondit rien mais son regard en disait long sur la joie qu’il éprouvait lui aussi au contact de la nature en rouge et or.

 

Comme chacun le sait, l’automne est la saison de la chasse…aux champignons ! Ils décidèrent donc d’y partir, armés d’un panier d’osier et de bottes en caoutchouc.

 

Au passage, Martin en profita pour ramasser des pommes de pins pour sa collection : des petites, des grosses, des longues, des rondes, des collantes, des graineuses, certaines ouvertes, d’autres encore fermées,…

 

De son côté, le Gamin cueillit les malheureuses dernières baies s’accrochant encore courageusement aux branches d’épineux buissons.

 

C’était le bonheur simple de la vie au grand air, quoi !

 

Jusqu’à ce que, soudain, à une dizaine de mètres d’eux, apparaisse un lapin, un gros lapin de garenne qui se tenait là, immobile semblant les observer fixement.

 

Ce qui est passé par la tête du Gamin à ce moment-là, on ne le comprit jamais. Etait-ce l’ivresse de l’air pur à près de 90°(Fahrenheit !)?

 

Toujours est-il qu’il s’est tout à coup mis à détaler encore plus vite que le lapin, à la poursuite acharnée de celui-ci, sautant au-dessus des branches, plongeant au cœur des buissons, faisant voler les feuilles jaunes, oranges, rouges, vertes, brunes et autres sur son passage. Rien ne semblait pouvoir le faire renoncer à poursuivre le véloce logomorphe de Garenne.

 

Quand il fut finalement sur le point de l’atteindre, le lapin se retourna et lui tint à peu près ce langage :

 

« Hé bonjour, Monsieur le Gamin ! Que vous êtes joli quand vous faites le beau !

Dis, t’as quand même pas cru sérieusement que Jean-Pierre le lapin, -c’est moi !- allait se laisser attraper comme ça, hein ? » ironisa Jean-Pierre le lapin tout brun.

-« Ben…heu… » bafouilla Gamin, pour le coup un peu chagrin.

-« C’est ton dernier mot ? » questionna le lapin

-« Ce n’est pas mon dernier mot, Jean-Pierre ! » affirma Gamin bondissant sur le lapin brun et…le ratant !

 

Encore plus motivé de croquer ce lapin moqueur, Gamin se lança à fond de train (ça rime avec lapin !) et poursuivit la poursuite jusqu’à une tranquille petite rivière d’eau cristalline où il perdit sa trace. Il s’arrêta quelques instants pour sniffer la berge mais sans succès.

 

A plusieurs buissons de là, Martin déjà tout essoufflé tentait de rattraper le Gamin.

Croyez-moi, ce n’est vraiment pas facile de courir avec des bottes en caoutchouc qui font « flatch flatch » à chaque pas, un panier rempli de pommes de pins, de champignons et autres bricoles forestières sur les bras !

 

-« Oh regarde Gamin ! On dirait un saumon qui remonte la rivière ! Je ne savais pas qu’il y en avait dans ce coin. » remarqua Martin en regardant l’eau s’écouler.

 

Gamin ne se soucia pas de ce détail géographique : il se mit cette fois à courir le long de la rivière à la poursuite du poisson d’argent.

 

Martin essaya bien de l’en empêcher mais « il court, il court le gamin, le gamin du bois, mesdames, … » et il s’apprêtait même à plonger dans l’eau afin de pratiquer l’art de la pêche « façon Gamin » mais quelque chose l’en a, comme qui dirait, empêché.

 

Ce quelque chose n’était rien de moins que Gregori un immense grizzli justement occupé lui aussi à pêcher « façon immense grizzli ».

 

-« Où tu comptais aller comme ça, pt’ite tête ? » demanda Gregori le grizzli aigri.

-« Ben…heu… » bafouilla à nouveau Gamin, toujours un peu chagrin.

 

-« C’est privé, ici ! Entrée interdite aux non membres du River club.

Si tu veux adhérer, remplis ce formulaire en trois exemplaires et dépose-les au guichet pendant les heures ouvrables. Mais avant, tu dois avoir une attestation A23 de l’ODAF, l’Office Des Animaux Finauds, cachetée, datée et signée.

Et puis, dis au grand dadais qui te suit que les chemins balisés, c’est pas fait pour les chiens, sans vouloir te vexer, ami canin ! » ironisa Gregori le grizzli pas très joli.

 

Gamin était abasourdi pas de ce qu’il venait d’entendre : pour lui, la forêt c’était la liberté, l’aventure, la nature sauvage, les grands espaces,…Et voilà ti pas que cet empoté de grizzli lui faisait un numéro de petit fonctionnaire zélé ! C’était bien la peine de quitter le canisite de la rue des violettes pour venir se soulager ici, tiens !

 

-« Garde-le ton formulaire en trois exemplaires et sers-toi en pour faire du saumon en papillotes ! » s’énerva le Gamin d’un ton plutôt mordant.

 

Sur ce, il rejoignit Martin illico. Le pauvre chasseur de champignons avait non seulement les pieds embourbés jusqu’aux chevilles mais aussi, les chaussettes complètement trempées à cause de ses bottes fissurées.

 

Quelle sale journée pour nos deux compères !

 

Voulez-vous savoir comment elle s’est terminée ?

Devant la télé, bien sûr ! Je crois même qu’ils ont regardé un documentaire animalier ! Comme quoi, ils ne sont pas rancuniers.

 

 

 

 

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