La saison des pâquerettes

Quelque part dans un petit coin de campagne wallonne, deux amies discutent. Ecoutons-les.

 

-« Enfin ! Nous voici au printemps. », dit Daisy dans un soupir de bien-être.

-« C’est pas trop tôt ! Je commençais à en avoir vachement marre de toute cette pluie qui me tombe sur le dos. », répond Huguette,  « On va pouvoir à nouveau sentir la fraîche rosée de l’herbe sur nos pieds, cueillir les belles fleurettes jaunes et blanches,.. »

-« Tu veux sans doute parler des pâquerettes ? », l’interrompt Daisy.

-« Oui, je suppose. Tu sais, moi et le nom des plantes…ça fait deux ! J’aime ou j’aime pas, c’est tout ! », s’énerve Huguette la coquette.

-« D’accord, ma belle. Te fâches pas pour ça ! Dis-toi que tu auras appris quelque chose de plus qu’hier. Chaque jour un peu moins bête ! », plaisante Daisy la savante.

-« Ah ! ah ! ah ! C’est malin ! Et tu sais ce que j’ai appris d’autre, moi ? » demande Huguette la jouette.

-« Non. Quoi donc ? », dit Daisy de nature curieuse.

-« L’horaire des trains pour Paris ! Oui, Madââââme, rien de moins ! Au lieu d’en rêver, on pourrait y aller. » annonce Huguette très satisfaite.

-« Quelle bonne idée ! Ma cousine y est allée par hasard il y a quelques années et grâce à son sourire étincelant, elle s’est fait remarquer dans la rue par un photographe de pub. Il l’a engagée sur le champ. Ou plutôt… sur Les Champs ! » raconte Daisy la jolie.

-« Oh dis donc, c’est fantastique ! Tu crois que j’ai mes chances, moi, à Paris ? » questionne Huguette la rondelette.

-« Je ne sais pas, je te vois plutôt réussir comme comique que comme mannequin ! », pouffe Daisy qui rosit.

-« Ben pourquoi tu dis ça ? Tu me trouves trop grosse ? », s’inquiète Huguette.

-« Non, non, dans ton genre, t’es pas mal. Mais ma cousine, c’est une star quand même. C’est pas pareil, tu vois. », la rassure Daisy.

-« Très bien ! Demain matin, on prend le premier train pour Paris. Tu verras bien si je n’arrive pas à me faire remarquer comme mam’zelle ta cousine ! », défie t-elle.

 

Et le lendemain, dès l’aube, nous retrouvons nos deux commères sur le quai de la gare.

 

-« Tu as de l’argent pour payer ton billet, toi ? » demande Daisy qui transit.

-« Non. Pas plus que toi mais j’ai une idée. On va monter discrètement dans le dernier wagon. Il contient sûrement des marchandises. Le contrôleur ne pensera pas à venir nous y chercher. », explique Huguette sans prendre de pincettes.

-« Essayons. On n’a rien à perdre, de toutes façons. », philosophe Daisy qui sourit.

 

Sur ce, emboîtant le pas d’Huguette, elle grimpe dans le dernier wagon du convoi et referme la lourde porte derrière elle.

Nul ne les voit monter et nul ne vient les déranger dans la cachette imaginée par Huguette. Ainsi, le voyage se passe sans encombre jusqu’à Paris.

 

Comme leur train fait son entrée dans une des grandes stations de la ville, la première chose qui frappe nos deux campagnardes, c’est le bruit : celui du sifflet du chef de gare, du moteur des trains ronronnants, du brouhaha de la foule mouvante, des jingles qui annoncent le départ du train 417 pour Lyon au quai n°2, des valises à roulettes qui résonnent sur les pavés, des panneaux d’affichage aux lettres qui cliquètent dès qu’une nouvelle information arrive, des haut-parleurs qui signalent que le petit Youri est attendu par ses parents devant la consigne des bagages et bien d’autres choses encore.

 

Nos deux amies étaient si tranquilles dans leur petit coin de verte campagne. Quelle idée de venir s’empolluer les narines à Paris ?  Huguette et Daisy regrettent déjà. Quel stress !

Tout le monde court. Pourquoi sont-ils si pressés ? Et où peuvent-ils bien vouloir aller si vite ?

 

En tous cas, elles, elles ont décidé de profiter au mieux de leur journée. Maintenant qu’elles sont là, elles vont jouer les touristes. Leur train ne repart quand même que tard dans la soirée.

 

Elles font d’abord le point de la situation en consultant un des plans mis à disposition dans la gare.

-« Tu as vu ? Le plan dit « Vous êtes ici. »Tout le monde sait déjà que nous sommes là. I am a star ! » s’exclame Huguette toute guillerette.

-« Oh la la, ma pauvre fille. Ce que tu peux être bête parfois ! Tous les plans disent ça, voyons ! », dit Daisy.

 

Finalement, elles décident d’un itinéraire et se mettent en route. Elles visitent bien sûr les plus incontournables monuments de la capitale, prennent leur pique-nique le long des quais de la Seine et dans l’après-midi, à Montmartre, elles se font solliciter par une dizaine d’artistes optimistes qui veulent leur croquer le portrait.

Mais ce qu’elles préfèrent par-dessus tout, c’est la multitude d’espaces de verdure disséminés un peu partout dans la ville.

On les croise au parc Monceau, aux Tuileries, au jardin des Plantes, etc…

Huguette et Daisy en apprécient chaque buisson, chaque brin d’herbe folle.

 

-« C’est vraiment une journée extraordinaire que nous vivons, là, Huguette. Et c’est grâce à toi ! » félicite Daisy, ravie.

-« Merci, Daisy. Et encore, je te réserve le meilleur pour la fin, la cerise sur le gâteau, le top du top : les Champs-Élysées ! » dit-elle, pas discrète.

-« Je suis impatiente de voir ça. Pourtant, il y a quelque chose qui me chiffonne. Toute la journée, les gens d’ici nous ont jeté de drôles de regards. Un peu comme si on venait de Mars. », s’enquit Daisy.

-« Oui, je l’ai remarqué aussi et je ne comprends pas pourquoi. Tant pis. Allons sur ces fameux Champs, car j’ai bien l’intention de m’y payer une bonne tranche. » répond Huguette qui en jette.

 

Mais arrivées sur les Champs, c’est la déception. Rien que des immeubles, des maisons, des boutiques et des cafés. Il y a bien quelques arbres mais point d’herbe verte !

 

-« Alors c’est donc ça, les célèbres Champs-Élysées ? Eh bien, moi je dis que ça ne valait pas la peine de quitter le nôtre pour voir ça. » déprime Daisy, refroidie.

-« T’as raison ! Paris n’est pas fait pour deux vaches comme nous. » ajoute Huguette la vachette.

-« Meuuuuh ! Foi de laitière ! On ne m’y reprendra plus. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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